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The Wikimedia Foundation manages many diverse projects such as Wikipedia and Commons. More information on the candidates and the elections can be found on the Board election page on Meta-Wiki. Vingt candidatures pour trois postes:. Je me suis permis de mettre en projet de la semaine Livre: Jules Leclercq Paul et Virginie Aux sources du Nil Aux sources du Nil Francis Jammes Samaritain Maigne d'Arnis section Sources W. Leconte de Lisle Revue des deux mondes, Bretons de Lettres, Paris, SourcesParis, Sources Manon des Sources Les Lettres de mon moulin: Counson - Malherbe et ses sources, Bergson - Les Deux Sources de la morale et de la religion.
Raymond Roussel , roman en vers. La Vue, Le Concert, La Source Raymond Roussel , Christophe Moehrlen section Sources secondaires Christoph Irenius: Google Livres Reise ins Berner Oberland: Vianey - Les Sources de Leconte de Lisle, Louise Michel Commune, Paris. Source principale II. Sources accessoires Index sources diverses Notes I. Theo van Doesburg Manifest 0, Chronique scandaleuse des Pays-Plats Guttinguer - La Source divine, Dottin - La religion des Celtes. Larousse et Cie, p. Larousse et Cie, pp. Critique et usage des sources. Les sources des textes xv IV. Les sources des textes v Introduction xvii I.
Revue des Deux Mondes - - tome La science ne se conserve que chez les esprits humbles. Les Annales Romantiques, t. Bourget - Nouveaux Essais de psychologie contemporaine, Sentiers furtifs des bois, sources aux frais rivages, …. Revue des Deux Mondes - - tome 5. Roman de Troie, Manzi - Livre de l'Atlantide. Adam et Tannery, I. Michelet - Histoire de France - Lacroix tome 1. Langlois - Manuel de bibliographie historique, Chapitre I — Bibliographie des sources originales 77 I. Bibliographie des catalogues de documents 77 II. Bibliographie v Chapitre premier. Sima qian chavannes memoires historiques v1.
Sources et travaux politiques. Regnaud - Comment naissent les mythes. Les sources Ribot Th. Docks de la librairie, Tome premier Rodrigues - Midraschim et fabliaux. Revue des Deux Mondes - - tome 6. Explication historique des fables - - T1. Adam et Tannery, II. Classement critique des sources 79 Chap. La religion des Germains. Baudelaire - Lettres Tagore - La Jeune Lune.
Figuier - Les Merveilles de la science, - , Tome 4. Verne - Le Pilote du Danube, Hetzel, Montesquieu Esprit des Lois Garnier 4. Silvestre - Les Renaissances, Le Tour du monde - Le Parnasse contemporain, III. Brunot - La Doctrine de Malherbe, Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, , II.
Latocnaye - Promenade d un francais en suede et en norvege, 1e part, Feldmann-Pernot - Introduction. Bertrand - La religion des Gaulois. Verne - Cinq Semaines en ballon. Le royaume des cieux III. Le Fils de Dieu IV. Hugo - Les Contemplations, Nelson, Quia pulvis es VI. La source VII. La statue VIII. Revue de philosophie, volume 6. Sertillanges Les sources de la Croyance en Dieu F. La Nature, , S1. Cournot - Essai sur les fondements de nos connaissances.
Lamarck - Philosophie zoologique 1. Abandon parfait, mort spirituelle. Hayard, [26] Fichier: Les sources de la mythologie irlandaise. Anatole France - L'Artiste, avril Germain de Montauzan - Les Aqueducs antiques, Graetz - Histoire des Juifs, A. Les sources du Nil. Famille Nicolef Chapitre IV. Audiat - Bernard Palissy: Du nombre et de la nature des sources du syllogisme XI. Roman de Renard, Diderot - Le Neveu de Rameau.
Garcin de Tassy - Les Auteurs hindoustanis et leurs ouvrages. Du Camp - Les Convulsions de Paris, tome 1. Tsiolkovsky - Sur la Lune. Orsier - Henri Cornelius Agrippa. Anatole France - Autels de la peur. Balzac - Une rue de Paris et son habitant, Revue de bibliographie analytique, , p, Pericaud. Revue des Deux Mondes - - tome 8. Des Essarts - Paris nouveau, Montesquieu - Esprit des Lois - Tome 2.
Origine du vasselage, Chap. Hugo - Le Roi s amuse. Du Camp - Paris, tome 6. Austen - Catherine Morland. Rudder - Anton Bruckner. Ramuz - Aline, Roussel - La Vue, La Vue 1 II. Le Concert III. Faits marquants du blog Wikimedia pour le mois de mars En effet, sur un total de pages, la page 9 du fichier reproduit le titre du tome 1: Eyssette, de le voir ternellement la larme l'[oe]il, avait fini par le prendre en grippe et l'abreuvait de taloches On entendait tout le jour: Jacques, tu es un ne!
Les efforts qu'il faisait pour retenir ses larmes le rendaient laid. Eyssette lui portait malheur. Un soir, au moment de se mettre table, on s'aperoit qu'il n'y plus une goutte d'eau dans la maison. Et le voil qui prend la cruche, une grosse cruche de grs. Eyssette hausse les pauls: Ici, la voix plore de Jacques: Eyssette, et d'un ton qui n'admet pas de rpliqu.
Jacques n rplique pas; il prend la cruche d'une main fivreuse et sort brusquement avec l'air de dire: Eh bien, nous allons voir! Cinq minutes, dix minutes se passent; Jacques ne revient pas. Mme Eyssette commence se tourmenter: Eyssette d'un ton bourru. Il a cass la cruche et n'ose plus rentrer. Mais tout en disant cela,—avec son air bourru, c'tait le meilleur homme du monde,—il se lve et va ouvrir la porte pour voir un peu ce que Jacques tait devenu. Il n'a pas loin aller, Jacques est debout sur le palier, devant la porte, les mains vides, silencieux, ptrifi.
Eyssette, il plit, et d'une voix navrante et faible, oh! Dans les archives de la maison Eyssette, nous appelons cela "la scne de la cruche". Il y avait environ deux mois que nous tions Lyon, lorsque nos parents songrent nos tudes. Un ami de la famille, recteur d'universit dans le Midi, crivit un jour mon pre que, s'il voulait une bourse d'externe au collge de Lyon pour un de ses fils, on pourrait lui en avoir une. D'ailleurs je m'aperois qu'il a du got pour le commerce. Nous en ferons un ngociant. De bonne foi, je ne sais comment, M. Eyssette avait pu s'apercevoir que Jacques avait du got pour le commerce.
En ce temps-l, le pauvre garon n'avait du got que pour les larmes, et si on l'avait consult Mais on ne le consulta pas, ni moi non plus. Ce qui me frappa d'abord, mon arrive au collge, c'est que j'tais le seul avec une blouse. A Lyon, les fils de riches ne portent pas de blouses; il n'y que les [17] enfants de la rue, les gones , comme on dit. Moi, j'en avais une, une petite blouse carreaux que datait de la fabrique; j'avais une blouse, j'avais l'air d'un gone Quand j'entrai dans la classe; les levs ricanrent.
Depuis lors, quand il me parla, ce fut toujours du bout des lvres, d'un air mprisant. Jamais il ne m'appela par mon nom; il disait toujours: A la fin mes camarades me surnommrent "le petit Chose," et le surnom me resta Ce n'tait pas seulement ma blouse qui me distinguait des autres enfants. Les autres avaient de beaux cartables en cuir jaune, des encriers de buis qui sentaient bon, des cahiers cartonns, des livres neufs avec beaucoup de notes dans le bas; moi, mes livres taient de vieux bouquins achets sur les quais, moisis, fans, sentant le rance; les couvertures taient toujours en lambeaux, quelquefois il manquait des pages.
Jacques faisait bien de son mieux pour me les relier avec du gros carton et de la colle forte; mais il mettait toujours trop de colle, et cela puait. Il m'avait fait aussi un cartable avec une infinit de poches, trs commode, mais toujours trop de colle. Le besoin de coller et de cartonner tait devenu chez Jacques une manie comme le besoin de pleurer. Il avait constamment devant le feu un tas de petits pots de colle et, ds qu'il pouvait s'chapper du magasin un moment, il collait, reliait, cartonnait.
Le reste du [18] temps, il portait des paquets en ville, crivait sous la dicte, allait aux provisions,—le commerce enfin. Quant moi, j'avais compris que, lorsqu'on est boursier, qu'on porte une blouse, qu'on s'appelle "le petit Chose", il faut travailler deux fois plus que les autres pour tre leur gal, et ma foi! Je le vois, en hiver, dans sa chambre sans feu, assis sa table de travail, les jambes enveloppes d'une couverture. Au dehors le givre fouettait les vitres. Dans le magasin, on entendait M. Et la voix pleurarde de Jacques qui reprenait: De temps en temps la porte de la chambre s'ouvrait doucement: Elle s'approchait du petit Chose sur la pointe des pieds.
Le petit Chose mentait, il avait bien froid, au contraire. Alors, Mme Eyssette s'asseyait auprs de lui, avec son tricot, et restait l de longues heures, comptant ses mailles voix basse, avec un gros soupir de temps en temps. Elle y pensait toujours, ce cher pays qu'elle n'esprait plus revoir Eyssette that his mother and Jacques have gone to see his clergyman brother who is dangerously ill.
In the evening a telegram, "Il est mort, priez pour lui," arrives. Both farther and son are broken-hearted, and console each other in the terrible loss that has overtaken the family. Je rpondis sans hsiter: Je fais un pome, un grand pome. Pour toute rponse, Jacques tira de dessous sa veste un norme cahier rouge qu'il avait cartonn lui-mme, et en tte duquel il avait crit de sa plus belle main: C'tait si grand que j'en eus comme un vertige. Mais je n'osai pas Pourtant la vrit m'oblige dire que ce pome en douze chants tait loin d'tre termin. Je crois mme qu'il n'y avait encore de fait que les quatre premiers vers du premier chant; mais comme disait Eyssette Jacques avec beaucoup de raison: Le pote eut beau faire, il n'alla jamais plus loin que les quatre premiers vers.
A la fin, le malheureux garon, impatient, congdia la Muse on disait encore la Muse en ce temps-l. Et le cahier rouge? Mes [21] posies, parbleu! Jacques m'avait donn son mal. Et maintenant, si le lecteur le veut bien, pendant que le petit Chose est en train de cueillir des rimes, nous allons d'une enjambe franchir quatre o cinq annes de sa vie. J'ai hte d'arriver un certain printemps de Du reste, ce fragment de ma vie que je passe sous silence, le lecteur ne perdra rien ne pas le connatre. C'est toujours la mme chanson, des larmes et de la misre!
Nous voil donc en Cette anne-l, le petit Chose achevait sa philosophie. C'tait, si j'ai bonne mmoire; un jeune garon trs prtentieux, se prenant tout fait au srieux comme philosophe et aussi comme pote; du reste pas plus haut qu'une botte et sans un poil de barbe au menton. Or, un matin que ce grand philosophe de petit Chose se disposait aller en classe, M. Eyssette pre l'appela dans le magasin, et, sitt qu'il le vit entrer, lui fit de sa voix brutale: Ayant dit cela, M.
Eyssette pre se mit marcher grands pas dans le magasin, sans parler. Il paraissait trs mu, et le petit Chose aussi, je vous assure Aprs un long moment de silence, M. Eyssette pre reprit la parole: Ici, un grand sanglot, un sanglot dchirant retentit derrire la porte entre-bille. Eyssette sans se retourner, puis il continua: Je n'ai russi qu'a nous enfoncer jusqu'au cou dans les dettes et dans la misre A prsent, c'est fini, nous sommes embourbes Pour sortir de l, nous n'avons qu'un parti prendre, maintenant que vous voil grandis: Un nouveau sanglot de l'invisible Jacques vint interrompre M.
Eyssette; mais il tait tellement mu lui-mme qu'il n se fcha pas.
J'attendis un moment sous le porche, dans l'ombre. In his Trente ans de Paris and Souvenirs d'un homme de lettres , Le Petit Chose graphically tells us how, when his brother was at work, he wandered through the second-hand bookshops, where he was allowed to look through the new books on condition that he did not cut the leaves, and how one day, after fruitless interviews with publishers, when loitering along the banks of the Seine, he made the acquaintance of an editor, who became interested in him and agreed to publish his first little volume of charming poems, Les Amoureuses Je me demandais si vous aviez quelques minutes pour relire les quelques pages restantes du Livre: Diderot - Le Neveu de Rameau. Le reste du temps, j'allais me mettre [11] la pointe extrme du navire, prs de l'ancre. Hi all,apologies for writing in English, please read this page for important information and an update involving SUL finalization , scheduled to take place in one month.
Il fit seulement signe Daniel de fermer la porte, et, la porte ferme, il reprit: Jacques restera Lyon; il a trouv un petit emploi au mont-de-pit. Moi, j'entre comme [23] commis-voyageur la socit vinicole Quant toi, mon pauvre enfant, il va falloir aussi que tu gagnes ta vie Justement, je reois une lettre du recteur qui te propose une place de matre d'tude; tiens, lis! Le petit Chose prit la lettre. L-dessus le petit Chose replia la lettre et la rendit son pre d'une main qui n tremblait pas.
C'tait un grand philosophe, comme vous voyez. A ce moment, Mme Eyssette entra dans le magasin, puis Jacques timidement derrire elle Tous deux s'approchrent du petit Chose et l'embrassrent en silence; depuis la veille ils taient au courant de ce qui se passait. Eyssette, il part demain matin par le bateau. Mme Eyssette poussa un gros soupir, Jacques esquissa un sanglot, et tout fut dit.
On commenait tre fait au malheur dans cette maison-l. Le lendemain de cette journe mmorable, toute la famille accompagna le petit Chose au bateau.
Par une concidence singulire, c'tait le mme bateau qui avait amen les Eyssettes Lyon six ans auparavant. Naturellement on se rappela le parapluie d'Annou, le perroquet de Robinson, et quelques autres pisodes du dbarquement. Ces souvenirs gayrent un peu ce [24] triste dpart, et amenrent l'ombre d'un sourire sur les lvres de Mme Eyssette. Tout coup la cloche sonna. Le petit Chose, s'arrachant aux treintes de ses amis, franchit bravement la passerelle. Jacques voulait parler, mais il ne put pas; il pleurait trop. Le petit Chose ne pleurait pas, lui.
La joie de quitter Lyon, le mouvement du bateau, l'ivresse du voyage, l'orgueil de se sentir homme,—homme libre, homme fait, voyageant seul et gagnant sa vie,—tout cela l'empchait de songer, comme il aurait d, aux trois tres chris qui sanglotaient l-bas, debout sur les quais du Rhne Le premier soin du petit Chose, en arrivant dans sa ville natale, fut de se rendre l'Acadmie, o logeait M.
Ce recteur, ami d'Eyssette pre, tait un grand beau vieux, alerte et sec, n'ayant rien qui sentt le pdant, ni quoi que ce ft de semblable. Il accueillit Eyssette fils avec une grande bienveillance. Toutefois, quand on l'introduisit dans son cabinet, le brave homme ne put retenir un geste de surprise. Le fait est que le petit Chose tait ridiculement petit; et puis l'air si jeune, si mauviette! L'exclamation du recteur lui porta un coup terrible: Et tout son corps se mit trembler. Nous allons donc faire de toi un matre d'tude A ton ge, avec cette taille et cette figure-l, le mtier te sera plus dur qu' un autre Mais enfin, puisqu'il le faut, puisqu'il faut que tu gagnes ta vie, mon cher enfant, nous arrangerons cela pour le mieux En commenant, on ne te mettra pas dans une grande baraque Je vais t'envoyer dans un collge communal, quelques lieues d'ici, Sarlande, en pleine montagne L tu feras ton apprentissage d'homme, tu t'aguerriras au mtier, tu grandiras, puis nous verrons!
Tout en parlant, M. La lettre termine, il la remit au petit Chose et l'engagea partir le jour mme; l-dessus, il lui donna quelques sages conseils et le congdia d'une tape amicale sur la joue en lui promettant de ne pas le perdre de vue. Voil mon petit Chose bien content. Quatre quatre il dgringole l'escalier sculaire de l'Acadmie et s'en va d'une haleine retenir sa place pour Sarlande. La diligence ne part que dans l'aprs-midi; encore quatre heures attendre!
Le petit Chose en profite pour aller parader au soleil, sur l'esplanade, et se montrer ses compatriotes. Ce premier devoir accompli, il songe prendre quelque nourriture et se met en qute d'un cabaret porte de son escarcelle Juste en face les casernes, il en avise un propret, reluisant, avec une belle enseigne toute neuve. Et, aprs quelques minutes d'hsitation,—c'est la premire fois que le petit Chose entre dans un restaurant,—il pousse rsolument la porte. Le cabaret est dsert pour le moment. Des murs peints la chaux Dans un coin de longues cannes de compagnons, bouts de cuivre, ornes de rubans multicolores Au comptoir un gros homme qui ronfle, le nez dans un journal.
Le gros homme du comptoir ne se rveill pas pour si peu; mais du fond de l'arrire-boutique la cabaretire accourt En voyant le nouveau client que l'ange Hasard lui amne, elle pousse un grand cri: Et les voil dans les bras l'un de l'autre. Et comme elle est heureuse, si vous saviez, cette brave Annou, comme elle est heureuse de revoir M.
Il s'tonne d'abord un peu du chaleureux accueil que sa femme est en train de faire ce jeune inconnu; mais quand on lui apprend que ce jeune inconnu est M. Daniel Eyssette en personne, Jean Peyrol devient rouge de plaisir et s'empresse autour de son illustre visiteur. Daniel n'a pas djeun! La vieille Annou court la cuisine; Jean Peyrol se prcipite la cave. En un tour de main, le couvert est mis, la table est pare, le petit Chose n'a qu' s'asseoir et fonctionner A sa gauche Annou lui taille des mouillettes pour ses [oe]ufs, des [oe]ufs du matin, blancs, crmeux, duvets A sa droite Jean Peyrol lui verse un vieux Chteau-Neuf-des-Papes, qui semble une poigne de rubis jete au fond de son verre Le petit Chose est trs heureux.
Il parle, il boit, il mange, il s'anime; ses yeux brillent, sa joue s'allume. Jean Peyrol apporte les verres et on trinque Deux heures se passent ainsi en libations et en bavardages.
On cause du pass couleur de deuil, de [28] l'avenir couleur de rose. On se rappelle la fabrique, Lyon, la rue Lanterne, ce pauvre abb qu'on aimait tant Tout coup le petit Chose se lev pour partir Le petit Chose s'excuse; il quelqu'un de la ville voir avant de s'en aller, une visite trs importante On avait tant de choses se raconter encore! Enfin, puisqu'il le faut, puisque M. Daniel quelqu'un de la ville voir, ses amis du Tour de France ne veulent pas le retenir plus longtemps Dieu vous conduise, notre cher matre!
Or, savez vous quel est ce quelqu'un de la ville que le petit Chose veut voir avant de partir? C'est la fabrique, cette fabrique qu'il aimait tant et qu'il tant pleure! Le c[oe]ur de l'homme a de ces faiblesses; il aime ce qu'il peut, mme du bois, mme des pierres, mme une fabrique D'ailleurs l'histoire est l pour vous dire que le vieux Robinson, de retour en Angleterre, reprit la mer, et fit je ne sais combien de mille lieues pour revoir son le dserte. Il n'est donc pas tonnant que, pour revoir la sienne, le petit Chose fasse quelques pas. Dj les grands platanes, dont la tte empanache regarde par-dessus les maisons, ont reconnu leur ancien [29] ami qui vient vers eux toutes jambes.
De loin ils lui font signe et se penchent les uns vers les autres, comme pour se dire: Daniel Eyssette est de retour! Et lui se dpche, se dpche; mais arriv devant la fabrique, il s'arrte stupfait. De grandes murailles grises sans un bout de laurier-rose ou de grenadier qui dpasse Plus de fentres, des lucarnes; plus d'ateliers, une chapelle.
Au-dessus de la porte une grosse croix de grs rouge avec un peu de latin autour! Quand le soleil y donne, c'est une fournaise; quand la tramontane souffle, une glacire Le soir de mon Arrive, la tramontane faisait rage depuis le matin; et quoiqu'on ft au printemps, le petit Chose, perch sur le haut de la diligence, sentit, en entrant dans la ville, le froid le saisir jusqu'au c[oe]ur. Les rues taient noires et dsertes Sur la place d'armes quelques personnes attendaient la voiture, [30] en se promenant de long en large devant le bureau mal claire.
A peine descendu de mon impriale, je me fis conduire au collge, sans perdre une minute. J'avais hte d'entrer en fonctions. Le collge n'tait pas loin de la place; aprs m'avoir fait traverser deux ou trois larges rues silencieuses, l'homme qui portait ma malle s'arrta devant une grande maison, o tout semblait mort depuis des annes. Le marteau retomba lourdement, lourdement La porte s'ouvrit d'elle-mme J'attendis un moment sous le porche, dans l'ombre. L'homme posa sa malle par terre, je le payai, et il s'en alla bien vite Derrire lui l'norme porte se referma lourdement, lourdement Bientt aprs, un portier somnolent, tenant la main une grosse lanterne, s'approcha de moi.
Il me prenait pour un lev Le portier parut surpris; il souleva sa casquette et m'engagea entrer une minute dans sa loge. Pour le quart d'heure M. On me mnerait chez lui ds que la prire du soir serait termine. Un grand beau gaillard moustaches blondes dgustait un verre d'eau-de-vie aux cts d'une petite femme maigre, souffreteuse, jaune comme un coing et emmitoufle jusqu'aux oreilles dans un chle fane.
Monsieur est si petit que je l'avais d'abord pris pour un lve. Veillon l'an, par exemple. L-dessus, ils se mirent parler entre eux voix basse, le nez dans leur vilaine eau-de-vie et me dvisageant du coin de l'[oe]il Au-dehors, on entendait la tramontane qui ronflait et les voix criardes des lves rcitant les litanies la chapelle. Tout coup une cloche sonna; un grand bruit de pas se fit dans les vestibules. Cassage en se levant; montons chez le principal. Il prit sa lanterne, et je le suivis.
Le collge me sembla immense D'interminables corridors, de grands porches, de larges escaliers avec des rampes de fer ouvrag Le portier m'apprit qu'avant 89 la maison tait une cole de marine, et qu'elle avait compt [32] jusqu' huit cents lves, tous de la plus grande noblesse. Comme il achevait de me donner ces prcieux renseignements, nous arrivions devant le cabinet du principal Cassage poussa doucement une double porte matelasse, et frappa deux fois contre la boiserie.
C'tait un cabinet de travail trs vaste, tapisserie verte. Tout au fond, devant une longue table, le principal crivait la lueur ple d'une lampe dont l'abat-jour tait compltement baiss. Le portier s'inclina et sortit. Je restai debout au milieu de la pice, en tortillant mon chapeau entre mes doigts. Quand il eut fini d'crire, le principal se tourna vers moi, et je pus examiner mon aise sa petite face plotte et sche, claire par deux yeux froids, sans couleur. Lui, de son ct, releva, pour mieux me voir, l'abat-jour de la lampe et accrocha un lorgnon son nez.
Que veut-on que je fasse d'un enfant? Pour le coup le petit Chose eut une peur terrible; il se voyait dj dans la rue, sans ressources Il eut peine la force de balbutier deux o trois mots et de remettre au principal la lettre d'introduction qu'il avait pour lui. Il entama ensuite de longues dclamations sur la gravit de mes nouveaux devoirs; mais je ne l'coutais plus.
Pour moi, l'essentiel tait qu'on ne me renvoyt pas On ne me renvoyt pas; j'tais heureux, follement heureux. J'aurais voulu que M. Un formidable bruit de ferraille m'arrta dans mes effusions. Je me retournai vivement et me trouvai en face d'un long personnage, favoris rouges, qui venait d'entrer dans le cabinet sans qu'on l'et entendu: Sa tte penche sur l'paule, il me regardait avec le plus doux des sourires, en secouant un trousseau de clefs de toutes dimensions, suspendu son index.
Le sourire m'aurait prvenu en sa faveur, mais les clefs grinaient avec un bruit terrible—frinc! Serrires qui nous arrive. Viot s'inclina et me sourit le plus doucement du monde.
Ses clefs, au contraire, s'agitrent d'un air ironique et mchant comme pour dire: Serrires nous faisons une perte presque irrparable ici les clefs poussrent un vritable sanglot Viot veut bien prendre le nouveau matre sous sa tutelle spciale, et lui inculquer ses prcieuses ides sur l'enseignement, l'ordre et la discipline de la maison n'auront pas trop souffrir du dpart de M. Viot rpondit que sa bienveillance m'tait acquise et qu'il m'aiderait volontiers de ses conseils, mais les clefs n'taient pas bienveillantes, elles.
Il fallait les entendre s'agiter et grincer avec frnsie: Pour ce soir encore, il faudra que vous couchiez l'htel Soyez ici demain huit heures Et il me congdia d'un geste digne. Viot, plus souriant et plus doux que jamais, m'accompagna jusqu' la porte; mais, avant de me quitter, il me glissa dans la main un petit cahier. Puis il ouvrit la porte et la referma sur moi, en agitant ses clefs d'une faon Ces messieurs avaient oubli de m'clairer J'errai un moment parmi les grands corridors tout noirs, ttant les murs pour essayer de retrouver mon chemin.
De loin en loin, un peu de lune entrait par le grillage d'une fentre haute et m'aidait m'orienter. Tout coup, dans la nuit des galeries, un point lumineux brilla, venant ma rencontre Je fis encore quelques pas; [35] la lumire grandit, s'approcha de moi, passa mes cts, s'loigna, disparut. Ce fut comme une vision; mais, si rapide qu'elle et t, je pus en saisir les moindres dtails. Figurez-vous deux femmes, non, deux ombres L'une vieille, ride, ratatine, plie en deux, avec d'normes lunettes qui lui cachaient la moiti du visage; l'autre, jeune, svelte, un peu grle comme tous les fantmes, mais ayant,—ce que les fantmes n'ont pas en gnral,— une paire d'yeux noirs, trs grands, et si noirs, si noirs La vieille tenait la main une petite lampe de cuivre; les yeux noirs, eux, ne portaient rien Les deux ombres passrent prs de moi, rapides, silencieuses, sans me voir, et depuis longtemps elles avaient disparu que j'tais encore debout, la mme place, sous une double impression de charme et de terreur.
Je repris ma route ttons, mais le c[oe]ur me battait bien fort, et j'avais toujours devant moi, dans l'ombre, l'horrible fe aux lunettes marchant ct des yeux noirs Il s'agissait cependant de dcouvrir un gte pour la nuit; ce n'tait pas une mince affaire. Heureusement l'homme aux moustaches, que je trouvai fumant sa pipe devant la loge du portier, se mit tout de suite ma disposition et me proposa de me conduire dans un bon petit htel point trop cher, o je serais servi comme un prince. Vous pensez si j'acceptai de bon c[oe]ur.
Cet homme moustaches avait l'air trs bon enfant; chemin faisant, j'appris qu'il s'appelait Roger, qu'il tait professeur de danse, d'quitation, d'escrime et de [36] gymnase au collge de Sarlande, et qu'il avait servi longtemps dans les chasseurs d'Afrique. Ceci acheva de me le rendre sympathique. Les enfants sont toujours ports aimer les soldats.
Nous nous sparmes la porte de l'htel avec force poignes de main, et la promesse formelle de devenir une paire d'amis. Et maintenant, lecteur, un aveu me reste te faire. Quand le petit Chose se trouva seul dans cette chambre froide, devant ce lit d'auberge inconnu et banal, loin de ceux qu'il aimait, son c[oe]ur clata, et ce grand philosophe pleura comme un enfant. La vie l'pouvantait prsent; il se sentait faible et dsarm devant elle, et il pleurait, il pleurait Tout coup, au milieu de ses larmes, l'image des siens passa devant ses yeux; il vit la maison dserte, la famille disperse, la mre ici, le pre l-bas Puis, fier d'avoir trouv ce noble but sa vie, il essuya ces larmes indignes d'un homme, d'un reconstructeur de foyer, et sans perdre une minute entama la lecture du rglement de M.
Viot, pour se mettre au courant de ses nouveaux devoirs. Ce rglement, recopi avec amour de la propre main de M. Viot, son auteur, tait un vritable trait, divis mthodiquement en trois parties: Tous les cas y taient prvus, depuis le carreau bris jusqu'aux deux mains qui se lvent en mme temps l'tude; tous les dtails de la vie des matres y taient consigns, depuis le chiffre de leurs appointements jusqu' la demi-bouteille de vin laquelle ils avaient droit chaque repas.
Le rglement se terminait par une belle pice d'loquence, un discours sur l'utilit du rglement lui-mme; mais, malgr son respect pour l'[oe]uvre de M. Viot, le petit Chose n'eut pas la force d'aller jusqu'au bout, et,—juste au plus beau passage du discours,—il s'endormit Cette nuit-l, je dormis mal. Mille rves fantastiques troublrent mon sommeil Tantt c'tait les terribles clefs de M. Viot que je croyais entendre, frinc! Le lendemain, huit heures, j'arrivai au collge. Viot, debout sur la porte, son trousseau de clefs la main, surveillait l'entre des externes. Il m'accueillit avec son plus doux sourire.
J'attendis sous le porche, me promenant de long en large, saluant jusqu' terre MM. Un seul de ces messieurs me rendit mon salut; c'tait un prtre, le professeur de philosophie, "un original" me dit M. Je l'aimai tout de suite, cet original-l. Les classes se remplirent Quatre ou cinq grands garons de vingt-cinq trente ans, mal vtus, figures communes, arrivrent en gambadant et s'arrtrent interdits l'aspect de M. Daniel Eyssette, votre nouveau collgue. Ayant dit, il fit une longue rvrence et se retira, toujours souriant, toujours la tte sur l'paule, et toujours agitant les horribles clefs.
Mes collges et moi nous nous regardmes un moment en silence. Le plus grand et le plus gros d'entre eux prit le premier la parole; c'tait M. Serrires, le fameux Serrires, que j'allais remplacer. Ceci tait une allusion la prodigieuse diffrence de taille qui existait entre nous. On en rit beaucoup, beaucoup, moi le premier; mais je vous assure qu' ce moment-l le petit Chose aurait volontiers vendu son me au diable pour avoir seulement quelques pouces de plus.
Venez avec nous, collgue Sans me laisser le temps de rpondre, il prit mon bras sous le sien et m'entrana dehors. Le caf Barbette, o mes nouveaux collges me menrent, tait situ sur la place d'armes. Les sous-officiers de la garnison le frquentaient, et ce qui frappait en y entrant, c'tait la quantit de shakos et de ceinturons pendus aux patres Ce jour-l, le dpart de Serrires et son punch d'adieu avaient attir le ban et l'arrire-ban des habitus Les sous-officiers, auxquels Serrires me prsenta en arrivant, m'accueillirent avec beaucoup de cordialit.
A dire vrai, pourtant, l'arrive du petit Chose ne fit pas grande sensation, et je fus bien vite oubli, dans le coin de la salle o je m'tais rfugi timidement Pendant que les verres se remplissaient, le gros Serrires vint s'asseoir ct de moi; il avait quitt sa redingote et tenait aux dents une longue pipe de terre sur laquelle son nom tait en lettres de porcelaine. Tous les matres d'tude avaient, au caf Barbette, une pipe comme cela.
En somme, vous tes bien tomb en venant Sarlande pour votre dbut. D'abord l'absinthe du caf Barbette est excellente, et puis, l-bas, la bote, vous ne serez pas trop mal. Il faut voir comme je les ai dresss! Le principal n'est pas mchant; les collges sont de bons garons: A toute heure du jour et de la nuit, on la rencontre rdant par le collge, avec une norme paire de lunettes C'est une tante du principal, et elle remplit ici les fonctions d'conome. Au signalement que me donnait Serrires, j'avais reconnu la fe aux lunettes et malgr moi je me sentais rougir.
Dix fois je fus sur le point d'interrompre mon collgue et de lui demander: Parler des yeux noirs au caf Barbette! En attendant, le punch circulait, les verres vides s'emplissaient, les verres remplis se vidaient; c'tait des toasts, des oh! Peu peu, le petit Chose se sentit moins timide. Il avait quitt son encoignure et se promenait par le caf, parlant haut, le verre la main. A cette heure les sous-officiers taient ses amis; il raconta effrontment l'un d'eux qu'il appartenait une famille trs riche et qu' la suite de quelques folies de jeune homme on l'avait chass de la maison [41] paternelle; il s'tait fait matre d'tude pour vivre, mais il ne pensait pas rester au collge longtemps Vous comprenez, avec une famille tellement riche!
Ce que c'est que de nous, pourtant! Quand on sut au caf Barbette que j'tais un fils de famille en rupture de ban, un polisson, un mauvais drle, et non point, comme on aurait pu le croire, un pauvre garon condamn par la misre la pdagogie, tout le monde me regarda d'un meilleur [oe]il. Les plus anciens sous-officiers ne ddaignrent pas de m'adresser la parole; on alla mme plus loin: Vous pensez si le petit Chose fut fier!
Le toast Daniel Eyssette donna le signal du dpart. Il tait dix heures moins le quart, c'est—dire l'heure de retourner au collge. L'homme aux clefs nous attendait sur la porte. En effet, quelques minutes aprs, le principal, M. Viot et le nouveau matre faisaient leur entre solennelle l'tude. Tout le monde se leva.
Le principal me prsenta aux lves en un discours un peu long, mais plein de dignit; puis il se retira, suivi du gros Serrires. Viot resta le dernier. Il ne pronona pas de discours, mais ses clefs, frinc! Aussitt que les terribles clefs furent dehors, un tas de figures malicieuses sortirent de derrire les pupitres; toutes les barbes de plumes se portrent aux lvres, tous ces petits yeux, brillants, moqueurs, effars, se fixrent sur moi, tandis qu'un long chuchotement courait de table en table.
Un peu troubl, je gravis lentement les degrs de ma chaise; j'essayai de promener un regard froce autour de moi, puis, enflant ma voix, je criai entre deux grands coups secs frapps sur la table: C'est ainsi que le petit Chose commena sa premire tude. Ceux-l ne me firent jamais de mal, et moi je les aimais bien, parce qu'ils ne sentaient pas encore le collge et qu'on lisait toute leur me dans leurs yeux. Je ne les punissais jamais. Est-ce qu'on punit les oiseaux? Quand ils ppiaient trop [43] haut, je n'avais qu' crier: Le plus g de l'tude avait onze ans.
Onze ans, je vous demande! Et le gros Serrires qui se vantait de les mener la baguette! Moi, je ne les menai pas la baguette. J'essayai d'tre toujours bon, voil tout. Quelquefois, quand ils avaient t bien sages, je leur racontais une histoire Vite, vite, on pliait les cahiers, on fermait les livres; encriers, rgles, porte-plume, on jetait tout ple-mle au fond des pupitres; puis, les bras croiss sur la table, on ouvrait de grands yeux et on coutait.
J'avais compose leur intention cinq ou six petits contes fantastiques: Cela amusait beaucoup mes petits, et moi aussi cela m'amusait beaucoup. Viot n'entendait pas qu'on s'amust de la sorte. Trois ou quatre fois par semaine, le terrible homme aux clefs faisait une tourne d'inspection dans le collge, pour voir si tout s'y passait selon le rglement Or, un de ces jours-l, il arriva dans notre tude juste au moment le plus pathtique de l'histoire de Jean Lapin. En voyant entrer M. Viot, toute l'tude tressauta. Les petits, effars, se regardrent. Le narrateur s'arrta court. Jean Lapin, interdit, resta une patte en l'air, en dressant de frayeur ses grandes oreilles.
Debout devant ma chaire, le souriant M. Viot promenait un long regard d'tonnement sur les pupitres dgarnis. Il ne parlait pas, mais ses clefs s'agitaient [44] d'un air froce: J'ai voulu les rcompenser en leur racontant une petite histoire. Viot ne me rpondit pas. Il s'inclina en souriant, fit gronder ses clefs une dernire fois et sortit. Le soir, la rcration de quatre heures, il vint vers moi, et me remit, toujours souriant, toujours muet, le cahier du rglement ouvert la page Devoirs du matre envers les lves.
Je compris qu'il ne fallait plus raconter d'histoires, et je n'en racontai plus jamais. Pendant quelques jours mes petits furent inconsolables. Jean Lapin leur manquait, et cela me crevait le c[oe]ur de ne pouvoir le leur rendre Le collge tait divis en trois quartiers trs distincts: Mes petits taient donc moi, bien moi. Il me semblait que j'avais trente-cinq enfants. A part Ceux-l, pas un ami. Viot avait beau me sourire, me prendre par le bras aux rcrations, me donner des conseils au sujet du rglement, je ne l'aimais pas, je ne pouvais pas l'aimer; ses clefs me faisaient trop peur.
Le principal, je ne le voyais jamais. Les professeurs mprisaient le petit Chose et le regardaient du haut de leur toque. Quant mes collges, la sympathie que l'homme aux clefs paraissait me tmoigner me les avait alins; d'ailleurs, depuis ma prsentation [45] aux sous-officiers, je n'tais plus retourn au caf Barbette, et ces braves gens ne me le pardonnaient pas.
Le matre d'armes surtout semblait m'en vouloir terriblement. Devant cette antipathie universelle j'avais pris bravement mon parti. Le matre des moyens partageait avec moi une petite chambre, au troisime tage, sous les combles: Comme mon collgue passait tout son temps au caf Barbette, la chambre m'appartenait; c'tait ma chambre, mon chez moi. A peine rentr, je m'enfermais double tour, je tranais ma malle,— il n'y avait pas de chaise dans ma chambre,—devant un vieux bureau cribl de taches d'encre et d'inscriptions au canif, j'talais dessus tous mes livres!
L'important pour le quart d'heure tait de faire beaucoup de thmes grecs, de passer licenci, d'tre nomm professeur, et de reconstruire au plus vite un beau foyer tout neuf pour la famille Eyssette. Cette pense que je travaillais pour la famille me donnait un grand courage et me rendait la vie plus douce. Si j'avais quelques bonnes heures, j'en avais de mauvaises aussi. Deux fois par semaine, le dimanche et le jeudi, il fallait mener les enfants en promenade.
Cette promenade tait un supplice pour moi. D'habitude nous allions la Prairie , une grande pelouse qui s'tend comme un tapis au pied de la montagne, une demi-lieue de la ville Les trois tudes s'y rendaient sparment; une fois l, on les runissait sous la surveillance d'un seul matre qui tait [46] toujours moi. J'avais tout le collge sur les bras. Mais le plus terrible encore, ce n'tait pas de surveiller les lves la Prairie, c'tait de traverser la ville avec ma division, la division des petits.
Les autres divisions embotaient le pas merveille. Mes petits, eux, n'allaient pas en rang, ils se tenaient par la main et jacassaient le long de la route. J'avais beau leur crier: J'tais assez content de ma tte de colonne. J'y mettais les plus grands, les plus srieux, ceux qui portaient la tunique, mais la queue, quel dsordre! Une marmaille folle, des cheveux bouriffs, des mains sales, des culottes en lambeaux!
Je n'osais pas les regarder. Parmi tous ces diablotins bouriffs que je promenais deux fois par semaine dans la ville, il y en avait un surtout, un demi-pensionnaire, qui me dsesprait par sa laideur et sa mauvaise tenue. Imaginez un horrible petit avorton, si petit que c'en tait ridicule; avec cela disgracieux, sale, mal peign, mal vtu, sentant le ruisseau, et, pour que rien ne lui manqut, affreusement bancal.
Bamban,—nous l'avions surnomm Bamban cause de sa dmarche plus qu'irrgulire,—Bamban tait loin d'appartenir une famille aristocratique. Cela se voyait sans peine ses manires, ses faons de dire et surtout aux belles relations qu'il avait dans le pays. Tous les gamins de Sarlande taient ses amis.
Mes petits s'en amusaient beaucoup, mais moi, je ne riais pas, et j'adressais chaque semaine au principal un rapport circonstanci sur l'lve Bamban et les nombreux dsordres que sa prsence entranait. Malheureusement mes rapports restaient sans rponse, et j'tais toujours oblig de me montrer dans les rues en compagnie de M. Bamban, plus sale et plus bancal que jamais. Un dimanche entre autres, un beau dimanche de fte et de grand soleil, il m'arriva pour la promenade dans un tat de toilette tel que nous en fmes tous pouvants. Vous n'avez jamais rien rv de semblable.
Des mains noires, des souliers sans cordons, de la boue jusque dans les cheveux, presque plus de culotte